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Nous débuterons par quelques remarques générales. Abstraire, sous forme d'équations mathématiques, le comportement d'un phénomène que l'on veut étudier est l'étape dite de modélisation. La modélisation a typiquement deux objets : le premier est de décrire le phénomène dans sa complexité minimale compte tenu du but poursuivi, et le second est de se doter d'un outil pour en prédire les effets. Ceci est couramment pratiqué dans la plupart des sciences appliquées à des fins de conception, de contrôle ou de prédiction, quoique rarement perçu autrement que comme un problème d'optimisation subordonné à chaque cas particulier.
En règle générale, l'utilisateur impose à son modèle une forme paramétrée qui reflète tout à la fois ses habitudes de pensée, sa connaissance physique du phénomène, l'effort algorithmique qu'il est prêt à consentir, et le caractère utilisable du modèle in fine. La recherche de ce compromis amène usuellement à poser le problème d'approcher les observations faites par celles qu'on tirerait du modèle sous l'effet d'excitations censées représenter les causes du phénomène. La capacité à résoudre ce problème d'approximation, souvent non-trivial et parfois mal posé, conditionne pour une large part la pratique d'une méthode donnée.
C'est lorsqu'on veut évaluer la puissance prédictive d'un modèle que l'on est amené à postuler l'existence d'une vraie correspondance fonctionnelle entre les données et les observations, et que l'on entre dans le domaine de l'identification. La puissance prédictive du modèle peut s'y exprimer de diverses manières qui toutes, cependant, cherchent à mesurer la différence entre le << vrai >> modèle et les observations. La nécessité de prendre en compte les différences patentes entre le comportement observé et le comportement calculé induit alors naturellement la notion de bruit comme agent dégradant du processus d'identification. Ce bruit, qui s'incorpore au modèle, peut être traité sur un mode déterministe où la qualité d'un algorithme d'identification est son insensibilité à des petites erreurs. Cette notion est celle de problème bien posé en analyse numérique, ou de stabilité du mouvement en mécanique. Le bruit, cependant, est plus souvent considéré comme aléatoire, et l'on compte alors sur le moyennage pour estimer le << vrai >> modèle. Cette notion permet au premier chef de donner des descriptions approchées mais simples de systèmes complexes dont les causes sont mal connues mais plausiblement antagonistes. Notons, dans les deux cas, que des hypothèses sur le bruit sont nécessaires pour justifier l'approche adoptée (il doit être petit dans le cas déterministe et satisfaire des hypothèses d'indépendance ou d'ergodicité dans le cas stochastique). Ces hypothèses sont rarement validées autrement qu'à l'usage.
Avec le déplacement du problème depuis le compte-rendu d'une série d'expériences jusqu'à l'estimation d'un hypothétique modèle exact, la problématique de l'identification s'enrichit aussi de la possibilité de choisir les données de façon commode pour explorer la structure du phénomène. Ceci interagit souvent de manière complexe avec le caractère local du modèle par rapport aux données (par exemple, un modèle linéaire n'est souvent valable qu'au voisinage d'un point de fonctionnement).
Venons-en à l'activité en identification du projet proprement dit. Alors que le sujet est dominé depuis vingt ans, au plan académique, par le paradigme de la statistique paramétrique, c'est cependant dans une approche déterministe de l'identification des systèmes dynamiques linéaires (c'est-à-dire des processus de convolution), fondée sur l'approximation dans le domaine complexe, que le projet situe sa contribution la plus originale au domaine. Naturellement, les liens profonds que tisse le théorème spectral entre les représentations temporelles et fréquentielles induisent des parallèles bien connus entre la théorie des fonctions et celle des probabilités, et le travail de MIAOU connaît par ce biais quelques retombées dans la théorie stochastique classique.
On considèrera les données sans postuler un modèle exact mais en recherchant une approximation convenable dans le domaine de fonctionnement. Un exemple prototypique est l'identification harmonique, couramment rencontrée en ingénierie, où les données sont les réponses du système à des excitations périodiques dans sa bande passante de fréquences. On cherche un modèle linéaire et stable qui décrive correctement le fonctionnement dans cette bande passante, bien que ce modèle puisse être infidèle aux hautes fréquences, qu'on ne peut d'ailleurs guère mesurer. On souhaite aussi fréquemment que ce modèle soit rationnel et de degré convenable, soit parce que ce degré est déterminé par la signification physique des paramètres, soit parce qu'il doit rester raisonnablement faible afin de pouvoir utiliser efficacement le modèle pour le contrôle ou l'estimation. Notons qu'aucune statistique n'est disponible sur les erreurs, qui proviennent autant des défauts de mesure que du caractère erroné de l'hypothèse de linéarité. Les applications visées sont l'identification des systèmes résonnants, des structures flexibles, et de certains systèmes diffusifs (chaleur, électrostatique).
Nous distinguerons une étape d'identification qui fournit
un modèle de dimension infinie --numériquement de dimension
grande-- et une étape d'approximation rationnelle destinée à
réduire l'ordre. La première étape consiste, en termes
mathématiques, à reconstruire une fonction analytique dans le
demi-plan droit connaissant ses valeurs ponctuelles sur une
portion de l'axe imaginaire, en d'autres termes à rendre effectif
le principe du prolongement analytique sur le bord du domaine
d'analyticité. C'est un problème classique et mal posé que nous
plongeons dans une famille de problèmes extrémaux bien posés. La
deuxième étape est une approximation rationnelle dans un espace
de fonctions analytiques sur le demi-plan droit. Soit que l'on
veuille tirer le meilleur parti de l'ordre maximal qu'on
s'autorise, soit que l'on cherche à identifier des paramètres
physiques du système considéré, il est généralement important
lors de cette deuxième étape de calculer des approximants
rationnels optimaux ou sous-optimaux en un certain sens.
Mentionnons que l'approximation rationnelle dans le domaine
complexe est un sujet classique et ardu. En relation avec
l'automatique, deux éléments de difficulté supplémentaires s'y
greffent, à savoir la nécessité de contrôler les pôles des
approximants (qui reflètent la stabilité du système) et celle de
traiter du cas matriciel (pour le cas fréquent où le système a
plusieurs entrées et sorties).
L'approximation au sens de la fonction de
transfert prend dans ce contexte une signification particulière
pour
et
.Si
, elle correspond à
une identification paramétrique au minimum de variance lorsque
l'entrée est un bruit blanc (dans le cas d'un bruit coloré il
faut pondérer le critère par sa densité spectrale), ou encore à
la minimisation de l'erreur en norme d'opérateur
dans le domaine temporel. Si
,cette
approximation correspond à la minimisation de l'erreur au plan de
la transmission d'énergie
(à la fois dans le domaine
temporel et fréquentiel par le caractère isométrique de la
transformée de Fourier). Nous détaillons plus précisément les
deux étapes précédentes dans les sous-paragraphes qui suivent.
Pour des raisons de commodité nous abordons souvent les questions
précédentes non sur l'axe imaginaire mais, ce qui est équivalent,
sur le cercle unité où elles correspondent à des considérations
analogues pour les systèmes à temps discret.
Participants : Laurent Baratchart , José Grimm , Juliette
Leblond , Jonathan Partington (univ. Leeds, GB) , Fabien
Seyfert
Mots-clés : approximation méromorphe, identification
fréquentielle, problème extrémal
Ceci se rapporte à la première étape du processus
d'identification évoqué ci-dessus, c'est-à-dire à l'élaboration
d'un modèle de convolution stable et de dimension infinie à
partir de données fréquentielles dans une bande passante
et d'un gabarit de référence à l'extérieur de
.
Par ailleurs, la classe des modèles peut être élargie à
relativement peu de frais à des instabilités de dimension finie,
c'est-à-dire à des opérateurs dont le noyau a pour transformée de
Laplace une fonction de transfert méromorphe ayant dans le
demi-plan droit un nombre fini de pôles. Ceci peut être
intéressant notamment lors de problèmes de conception. On note
le disque unité,
l'espace de Hardy
d'exposant
,
l'ensemble des fonctions rationnelles
possédant au plus de
pôles dans
, et
les fonctions continues sur
.On cherche une fonction de
, prenant sur un arc
du cercle unité des
valeurs proches des données expérimentales et satisfaisant sur
à des exigences de gabarit, de sorte que la
question s'énonce comme une généralisation d'un problème de type
Adamjan-Arov-Krein (AAK) :
(P) Soient ,
,
un
arc du cercle unité
,
,
et
; on cherche une fonction
telle que
p.p. sur
et telle que
soit de norme minimale
dans
.
Il s'agit là d'une extension au cas méromorphe et à celui
d'une contrainte variable des problèmes extrémaux bornés
relatifs à l'approximation analytique (i.e. le cas où
) étudiés ces dernières années dans le projet pour
[3], puis
pour
où le cas
présente un lien
inattendu avec les formules de reconstruction de
Carleman[BL98]. Très relié
au problème (P), et significatif en particulier pour
décider de la validité de l'approximation linéaire dans la bande
passante considérée, est également le problème de complétion
suivant :
(P') Soient ,
,
un
arc du cercle unité
,
,
et
; on cherche une fonction
telle que
p.p. sur
et que la distance à
de la fonction concaténée
soit
minimale dans
.
Mentionnons en bref (cf. ) que (P) se ramène
implicitement à un problème extrémal sans contrainte (
),
que l'on sait résoudre si
(c'est la théorie AAK) ou
si
et
(c'est trivialement une projection
orthogonale). Si
et
,la question est
équivalente à l'approximation rationnelle décrite en
.
Dans les autres cas, il n'y a pas à ce jour de solution
algorithmique mais l'émergence d'une théorie AAK dans le cas
pour
, qui est actuellement
développée dans le projet (notamment dans la thèse de F. Seyfert)
et qui tisse un lien continu entre l'approximation rationnelle
dans
(cf.
)
et l'approximation méromorphe en norme uniforme. Le problème
(P') est, quant à lui, résolu si
ou si
et
.Ces questions peuvent aussi être considérées
dans un espace de Hardy-Sobolev, ce qui est utile lorsqu'on a
affaire à des modèles qui ne sont pas strictement propres et que
l'on souhaite contrôler les oscillations à l'infini (cf.
), ou lorsqu'un retard intervient
que l'on peut alors estimer à partir de la qualité de
l'approximation (la fonction de transfert du retard pur
n'appartient pas à l'espace de Hardy-Sobolev et engendre une
erreur élevée tant qu'on ne l'a pas compensé convenablement cf.
).
Participants : Laurent Baratchart , Juliette Leblond ,
Martine Olivi , Edward Saff (univ. Floride du Sud, Tampa, USA) ,
Herbert Stahl (TU Berlin, Al.) , Franck Wielonsky
Mots-clés : approximation rationnelle, point critique,
polynôme orthogonal
L'approximation rationnelle est la deuxième des étapes
mentionnées en ,
et nous l'abordons tout d'abord dans le cas scalaire c'est à dire
pour des fonctions à valeurs complexes (par opposition à
matricielles). Dans ce cas le problème s'énonce ainsi :
Soient ,
et
un
entier ; on cherche une fonction rationnelle sans pôles dans le
disque unité et de degré au plus
qui soit le plus proche
possible de
dans
.
Les valeurs les plus importantes de sont, comme nous
l'avons indiqué en introduction,
et
, mais il
n'existe de toute façon pas d'algorithme démontrablement
convergent pour une quelconque valeur de
,et le projet est
concepteur d'un algorithme dans le cas
dont la convergence
vers un minimum local est garantie et qui est le premier à
jouir de cette propriété. Il s'agit en substance d'un algorithme
de suivi de gradient, qui procède récursivement par rapport à
l'ordre
de l'approximant et utilise la géométrie
particulière du problème pour se ramener à optimiser sur un
domaine compact [2]. Cet
algorithme permet en général d'engendrer plusieurs minima locaux
lorsqu'il y en a, ce qui permet de faire des comparaisons. Il
n'est pas démontré qu'on obtienne toujours le minimum absolu ce
faisant, bien que nous ne connaissions pas non plus de
contre-exemple. Afin de globaliser cette convergence, ce qui
serait une avancée algorithmique majeure dans le domaine, nous
étudions le nombre et la nature des points critiques en nous
concentrant jusqu'ici sur des types particuliers se prêtant au
calcul, et qui ont valeur d'exemples en vue de dégager des
classes de propriétés générales. La classe des transferts dits de
relaxation (en d'autres termes des fonctions de Markov), a
notamment été élucidée (cf. [5]
et section
), ainsi que le cas de
(prototype de la fonction entière à coefficients de Taylor
convexes) ou celui de fonctions méromorphes (à la Montessus de
Ballore) [8]. Un principe
général s'est ainsi dégagé qui relie la nature des points
critiques en approximation rationnelle à la régularité de la
décroissance des erreurs en interpolation. Une méthodologie pour
analyser l'unicité en rapport avec les singularités de la
fonction doit à présent en émerger.
L'introduction d'une pondération en fréquence constitue un
autre développement intéressant, autant pour la nécessité qu'il y
a de pondérer les données expérimentales (par la densité
spectrale du bruit dans un contexte stochastique c'est-à-dire
pour relativiser le comportement du modèle là où on a peu
d'information) que pour les améliorations algorithmiques que l'on
en espère. À ce sujet, il est intéressant de noter que la
démarche la plus répandue pour l'identification fréquentielle
dans la pratique de l'ingénieur consiste à poser une minimisation
aux moindres carrés et à en pondérer les termes pour essayer
d'obtenir un résultat convenable par des méthodes générales
d'optimisation. On est ainsi conduit à minimiser un critère du
type
Participants : Laurent Baratchart , Andrea Gombani (CNR
Padoue, It.) , Martine Olivi , José Grimm
Mots-clés : approximation rationnelle, matrice intérieure,
espace à noyau reproduisant, théorie de la réalisation
L'approximation matricielle est nécessaire pour traiter de systèmes à plusieurs entrées et sorties (bizarrement appelés multivariables) mais engendre des difficultés additionnelles substantielles au plan théorique et algorithmique. Le problème est un analogue du cas scalaire où le degré de McMillan (le degré d'une réalisation minimale en termes d'Automatique) généralise le degré :
Soient ,
et
un entier ; on cherche une matrice
rationnelle de taille
sans pôles dans le disque
unité et de degré de McMillan au plus
qui soit la plus
proche possible de
dans
.
Ici, la norme d'une matrice est la racine
-ième
de la somme des puissances
-ièmes des normes de ses
composantes.
Pour , l'algorithme d'approximation scalaire mis au
point dans le projet a été généralisé au cas matriciel. Le
problème majeur réside dans la représentation des matrices de
transfert de degré de McMillan donné
, et les matrices
intérieures (c'est-à-dire les fonctions à valeurs matricielles
qui sont analytiques dans le disque unité et unitaires sur le
cercle) de degré
interviennent ici de manière
essentielle : elles jouent le rôle du dénominateur dans la
représentation fractionnaire des matrices de transfert
considérées. L'ensemble des matrices intérieures de degré donné
possède une structure de variété qui autorise la mise en oeuvre
des outils différentiels utilisés dans le cas scalaire. En
pratique, il faut exhiber un atlas de cartes (paramétrages
valables seulement dans un voisinage donné d'un point)
satisfaisant et gérer les changements de cartes lors d'un
algorithme de descente. L'algorithme de Schur tangentiel dans le
cas matriciel [1] nous a fourni
de tels paramétrages et permis l'implémentation d'un algorithme
d'approximation rationnelle. Celui-ci est intégré au logiciel
hyperion
qui a été testé sur des données
matricielles
provenant d'expérimentations faites au
CNES, dans le cadre du contrat qui fait l'objet du paragraphe
et donne des résultats d'une
grande qualité.
Participants : Laurent Baratchart , Manfred Deistler (TU
Wien, Au) , Martine Olivi
Mots-clés : approximation rationnelle, identification
paramétrique, topologie des matrices rationnelles, étude des
points critiques
L'étude asymptotique de certains estimateurs au maximum de
vraisemblance est un corollaire naturel des recherches en
approximation rationnelle menées dans le projet. Le contexte est
ultra-classique : étant donné un processus discret
à valeurs dans
,et un autre processus
à valeurs dans
que l'on
tient pour la cause mesurable de
, on cherche à
décrire le phénomène par un modèle linéaire d'ordre
fini :
Si on introduit à présent comme nouvelle variable la matrice
rationnelle définie par
La formulation () montre que l'identification
stochastique vise à une double généralisation, à la fois
rationnelle et matricielle, de la théorie des polynômes
orthogonaux de Szegö sur le cercle, et ceci fonde son lien avec
la théorie classique des fonctions.
Le problème de la consistance naît de ce que la mesure
n'est pas accessible de sorte que l'on doit
estimer (
) à l'aide de moyennes temporelles
de l'échantillon observé en supposant les processus ergodiques.
La question se pose alors de savoir si l'argument du minimum de
la fonctionnelle estimée tend vers celui de (
) lorsque la longueur de
l'échantillon augmente et à quelle vitesse. Le résultat le plus
significatif ici est peut-être celui qui ne suppose pas la
compacité de la classe de modèles
, et qui affirme la
consistance sous des hypothèses d'ergodicité faible et
d'excitation persistante. Un analogue de la loi des grands
nombres indique, dans ce contexte, que la convergence a lieu en
où
est la longueur de l'échantillon.
Dans le résultat précédent, la consistance a lieu au sens de
la convergence ponctuelle des estimés sur la variété des matrices
de transfert de taille et d'ordre donnés. La première
contribution du projet a été de montrer que cette convergence a
lieu uniformément avec celle de toutes les dérivées sur tout
compact de la variété des modèles, ce qui jette un pont entre le
comportement algorithmique du problème d'approximation
rationnelle (nombre et nature des points critiques, décroissance
de l'erreur) et celui de la minimisation des moyennes empiriques.
Mentionnons par exemple que l'unicité du point critique en
approximation lorsque la fonction à approximer est
presque rationnelle de degré
[BO96] entraîne l'unicité d'un minimiseur
local pour l'erreur de sortie lorsque l'entrée est un bruit
blanc, ceci presque sûrement asymptotiquement sur tout compact,
lorsque la densité de
par rapport à
est presque
rationnelle de degré
. De façon générale, on compte sur des
progrès dans la typologie de l'approximation rationnelle pour
évaluer le caractère algorithmiquement bien posé de
l'identification au maximum de vraisemblance.
Pour commander un système, on
s'appuie en général sur un modèle obtenu à partir de
connaissances a priori comme les lois physiques ou à partir
d'observations expérimentales. Dans beaucoup d'applications, on
se contente d'une approximation linéaire autour d'un point de
fonctionnement ou d'une trajectoire. C'est par exemple le cas
lorsqu'on utilise la théorie linéaire de l'élasticité pour
décrire les vibrations d'une membrane cf. . Il est tout de même très
important d'étudier les systèmes (ou les modèles) non-linéaires
et leur commande pour les raisons suivantes. Tout d'abord,
certains systèmes ont, autour de points de fonctionnement
intéressants, une approximation linéaire qui n'est pas
commandable de sorte que la linéarisation est inopérante même
localement. En second lieu, et même si le linéarisé est
commandable, on peut désirer élargir le domaine de fonctionnement
au-delà du domaine de validité de l'approximation linéaire. Les
travaux décrits au paragraphe
relèvent de cette problématique.
Enfin certains problèmes de commande, comme la planification de
trajectoire, ne sont pas de nature locale, et ne peuvent être
traités à l'aide d'un modèle approché linéaire. L'étude
structurelle décrite en
a pour objet de dégager des
invariants qui peuvent être utilisés pour ramener l'étude à des
systèmes plus simples ou pour servir de fondement à une théorie
de l'identification non-linéaire qui fournirait des
renseignements sur les classes de modèles à utiliser lorsque l'on
ne dispose pas d'information fiable a priori et que
l'identification linéaire << boîte noire >> n'est pas
suffisante. Le succès du modèle linéaire, que ce soit en commande
ou en identification, tient en grande partie à la compréhension
très fine qu'on en a ; de façon analogue, une meilleure maîtrise
des invariants des modèles non-linéaires pour certaines
transformations semble être un préalable à une véritable théorie
de l'identification et de la commande non-linéaire. Pour tout ce
qui relève des sytèmes non-linéaires, on sous-entend toujours que
la dimension de l'état est finie.
Mots-clés :
commande, stabilisation de système non linéaire, automatique non
linéaire, système mécanique non holonôme
Participants : Jean-Michel Coron (univ. Paris IX) ,
Ludovic Faubourg , Pascal Morin (California Inst. Tech. puis
projet ICARE) , Jean-Baptiste Pomet , Claude Samson (Projet
ICARE) ,
La stabilisation par retour continu d'état --ou de sortie (information partielle)-- consiste à concevoir une commande qui soit une fonction régulière (au moins continue) de l'état, et telle qu'un point de fonctionnement (ou une trajectoire) soit asymptotiquement stable pour le système bouclé. On peut voir cela comme une version affaiblie de la commande optimale : le calcul d'une commande qui optimise exactement un certain critère (par exemple rallier un point en temps minimal) conduit en général à une dépendance très irrégulière en l'état ; la stabilisation est un objectif qualitatif (rallier un point asymptotiquement), moins contraignant que la minimisation d'un critère, et qui laisse évidemment beaucoup plus de latitude et permet d'imposer par exemple beaucoup de régularité. Notons que les problèmes de stabilisation sont souvent résolus au moins au voisinage de points de fonctionnement, par des méthodes d'automatique linéaire, aujourd'hui bien maîtrisées ; les méthodes étudiées ici concernent le comportement au voisinage de points où les méthodes linéaires sont inefficaces (approximation linéaire non commandable) ou le comportement sur une région plus étendue de l'espace d'état. Une question très importante est la robustesse de cette stabilité, en effet les lois de commande dépendent énormément de la structure du modèle, et la conservation de la stabilité asymptotique pour des structures ou des valeurs des paramètres voisines n'est pas acquise. Nous mentionnons ci-après deux directions de recherche actives à ce jour dans le projet.
Stabilisation périodique de systèmes non-linéaires. Il est connu qu'un certain nombre de systèmes non-linéaires, bien que commandables, ne peuvent pas être stabilisés par une commande qui soit une fonction continue de l'état seulement[Bro83]. On peut bien sûr pour ces systèmes relâcher l'exigence de continuité en utilisant par exemple des retours d'état (très) discontinus issus de la commande en temps minimal, mais une idée récente consiste à rechercher tout de même des retours d'état continus, ou même lisses, en relâchant plutôt l'exigence de dépendance seulement par rapport à l'état et en permettant une dépendance par rapport au temps, par exemple périodique. Cette idée a d'abord été appliquée sur des petites classes de systèmes (dimension 1[SS80], systèmes mécaniques non-holonômes de petite dimension[SAA91]), puis il a été démontré [Cor95] que << pratiquement >> tout système commandable peut être stabilisé asymptotiquement par un retour d'état dépendant périodiquement du temps.
Les recherches de l'équipe, menées en collaboration avec le
projet ICARE de l'Inria-Sophia, ont joué un rôle important dans
l'obtention de ces résultats [6] et visent aujourd'hui à
développer des méthodes effectives pour la synthèse de lois de
commandes non-linéaires périodiques stabilisant des classes
représentatives de systèmes mécaniques non-holonômes, ainsi qu'à
étudier et à améliorer leur robustesse et le comportement des
transitoires qu'elles induisent. Parmi les acquis récents, on
peut citer l'obtention d'une loi de commande continue stabilisant
l'attitude d'un satellite en mode dégradé (cf. §).
Les applications concernent les systèmes mécaniques non-holonômes : la stabilisation de robots mobiles d'une part et celle d'un corps solide non complètement commandé en rotation autour de son centre de gravité d'autre part (un satellite artificiel par exemple).
Fonctions de Lyapunov contrôlées. Les fonctions de Lyapunov sont un outil bien connu pour l'étude de la stabilité des systèmes dynamiques non contrôlés. Pour un système contrôlé, on appelle Fonction de Lyapunov contrôlée une fonction qui est de Lyapunov pour le système bouclé par une certaine commande. Ceci se traduit par une inégalité différentielle que l'on appellera équation d'Artstein[Art83] et qui ressemble à l'équation d'Hamilton-Jacobi-Bellmann mais qui est bien sûr largement sous-déterminée. On peut déduire d'une fonction de Lyapunov contrôlée des retours d'état continus stabilisants de manière très commode[Son90].
On s'intéresse au sein du projet à l'obtention de fonctions de Lyapunov contrôlées, notamment pour étudier la robustesse de certaines lois de commandes stabilisantes obtenues par d'autres méthodes.
Participants : Laurent Baratchart , Jean-Baptiste Pomet
,
Mots-clés : automatique non linéaire, feedback non
linéaire
Une transformation par retour d'état statique d'un système dynamique contrôlé est un reparamétrage (non singulier) des commandes, dépendant de l'état. Une transformation par retour d'état dynamique d'un système dynamique contrôlé consiste à effectuer une extension dynamique (augmentation de l'état et attribution d'une dynamique aux nouveaux états) suivie d'une transformation par retour d'état statique sur le système augmenté. Du point de vue des problèmes de commande, l'intérêt de telles transformations, dans le cas où le système obtenu possède une structure plus exploitable que l'original, est qu'une commande permettant de satisfaire un certain objectif sur le système transformé peut être utilisée pour commander le système original en incluant l'extension dynamique dans le contrôleur.
Évidemment, un cas favorable est celui où le système transformé est linéaire. Le problème de la linéarisation dynamique est celui de trouver des conditions explicites sur un système pour qu'existe une transformation par retour d'état dynamique le rendant linéaire. Ce problème a été très étudié ces dix dernières années. Des travaux récents[FLMR95] ont montré qu'un feedback dynamique linéarisant existe si, et seulement si, il existe un certain nombre de fonctions de l'état et de dérivées de la commande qui ne sont liées par aucune équation différentielle, et qui « paramètrent toutes les trajectoires ». Cette propriété est appelée platitude différentielle, et les fonctions en question fonctions linéarisantes, ou sorties plates. Une manière de s'attaquer au problème de la linéarisation dynamique est alors de rechercher des fonctions linéarisantes ou des conditions qui assurent leur existence. Ces fonctions, lorsqu'elles existent, permettent de simplifier énormément certains problèmes pratiques comme la planification de trajectoires. La question, cependant, demeure ouverte de savoir comment décider de façon algorithmique si un système donné est linéarisable dynamiquement ou pas.
Ce problème est à la fois difficile et important pour
l'automatique non-linéaire. La publication [14] esquisse une voie possible
pour mettre en évidence des conditions géométriques caractérisant
localement l'existence de ces sorties plates. En termes
algébrico-différentiels, le module des différentielles d'un
système commandable est libre et de dimension finie sur l'anneau
des polynômes différentiels en à coefficients dans
l'espace des fonctions du système (la constructions d'une base
est donnée par exemple dans un travail commun avec le Laboratoire
d'Automatique de Nantes[ABMP95]). La question
est de déterminer s'il admet une base de formes fermées, et donc
localement exactes. Enoncé ainsi, il s'agit d'une extension au
cas où les coefficients sont des opérateurs différentiels du
classique théorème d'intégrabilité de Frobenius. En sus de la
stabilité par différentiation extérieure qui régit le cas
classique, d'autres conditions sont nécessaires ici pour assurer
la finitude du degré des solutions.
Participants : Jean-Baptiste Pomet , Andrey Sarychev
(Université d'Aveiro, Portugal)
Etant donné un système dynamique commandé, une courbe dans
l'espace d'état est une trajectoire si il existe un
commande qui la produit. La planification de trajectoire
consiste à trouver une trajectoire satisfaisant certaines
conditions, par exemple joindre deux points donnés en restant
dans une certaine zone. C'est une problématique omniprésente en
robotique, par exemple. Il est naturel dans ce contexte de
considérer aussi la planification approchée, qui consiste
à trouver une courbe qui ne soit pas forcément une trajectoire
mais qui puisse être approximée par des trajectoires. Cette
démarche requiert, cependant, une caractérisation de cet ensemble
de courbes. Il est également une autre motivation pour une telle
étude : on peut associer à un système contrôlé, disons
affine en les commandes, un processus de diffusion --en
remplaçant grosso modo les commandes par des bruits blancs
indépendants-- qui définit à chaque instant une mesure de
probabilité sur l'espace des courbes paramétrées dans l'espace
d'état, et il est connu[SV72] que le support de cette
mesure est exactement l'ensemble des courbes qui peuvent être
approchées au sens par des trajectoires du système
controlé associé. La caractérisation de cet adhérence a donc des
répercussion en analyse stochastique. Pourtant, il est étonnant
que ce problème ait été peu étudié en dehors du cas où
l'adhérence en question contient toutes les courbes. Les travaux
menés dans le projet ont déjà donné lieu à des résultats
importants [Pom97], et se
poursuivent en collaboration avec l'université d'Aveiro
(Portugal). On cherche à caractériser les courbes limites au
voisinage de singularités qui semblent jouer un rôle très
important. Une raison supplémentaire de s'intéresser à ce
problème est qu'il met en jeu des techniques utilisées par
ailleurs pour synthétiser des lois de commandes continues
stabilisantes cf.
.
Participants : Laurent Baratchart , Yuncheng Yu (univ.
Floride du Sud, Tampa, USA)
Il s'agit d'un axe de recherche, relativement marginal dans le projet, qui est né d'une collaboration NSF-INRIA avec l'Institute for Constructive Mathematics de l'université de Floride-Sud, laquelle porte principalement sur l'approximation dans le domaine complexe. Les systèmes hybrides dont on se préoccupe ici sont des structures flexibles, poutres, plaques ou membranes, reliées à un corps rigide sur une portion de leur bord. L'étude de la stabilisation de tels systèmes a connu un essor particulier dans les années 80 à cause, principalement, des problèmes de déploiement d'antennes en ingénierie satellitaire[BT86]. Les modèles sont constitués d'équations aux dérivées partielles couplées avec des équations différentielles ordinaires par des conditions dynamiques aux bords, et la stabilisation exponentielle s'avère impossible [LM88]. Il existe deux types d'approche, une fondée sur le principe de Lasalle en dimension infinie et l'autre sur la théorie des semi-groupes. Cette dernière, qui est celle que nous considérons, n'est véritablement effective que pour des domaines de forme particulière dont les fonctions propres sont plus ou moins explicitement connues. Dans ce cas, toutefois, la théorie des fonctions est susceptible de fournir des outils efficaces pour analyser le spectre, et c'est par ce biais que le projet a pris contact avec le sujet.
La
théorie des jeux dynamiques est aujourd'hui un outil bien établi
pour modéliser les processus de décision, et qui emprunte
beaucoup à la commande optimale c'est-à-dire au calcul des
variations moderne sous contrainte différentielle. Cependant,
résoudre le problème en général reviendrait à établir une
typologie des singularités qui semble d'ores et déjà hors de
portée dans le cas statique, de sorte que l'examen d'exemples
signifiants en petite dimension reste l'activité principale dans
la théorie classique. L'activité du projet se concentre ici sur
des méthodes de désingularisation de la fonction valeur
susceptible de permettre l'approximation des solutions. Par
ailleurs, la commande robuste se traduit
dans le formalisme des jeux et fournit un cadre pour poser le
problème dans un cadre plus général que celui des systèmes
linéaires. Cet aspect est également analysé au sein du projet,
lequel a joué un rôle de pionnier dans le domaine[BB95].