Projet Meval

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Fondements scientifiques

 

Résumé : Le ciment existant entre les diverses activités du projet s'est constitué à partir des champs scientifiques suivants : marches aléatoires (méthodes analytiques, classification), réseaux et grands systèmes, réseaux neuronaux et physique statistique. On donne ici un aperçu des domaines d'expertise du projet, mettant en exergue les techniques originales qui y ont été inventées.


Réseaux et marches aléatoires dans $Z^{n}_{+}$

 Si on choisit l'exemple des systèmes de télécommunications ou de transport, la plupart d'entre eux se laissent modéliser de façon assez réaliste par un ensemble de stations de service, où les serveurs sont les ressources (logiques ou physiques) du système considéré et où les entités circulant entre les stations représentent les requêtes, messages, programmes partageant ces ressources. À un réseau formé de n stations avec plusieurs classes de clients, on pourra souvent associer un processus Markovien vectoriel



\begin{displaymath}X(t) = \bigl(X_1(t),X_2(t),\ldots , X_n(t) \bigr),\end{displaymath}



$X_i(t)$décrivant la configuration des clients à la station $i$ au temps $t$.L'étude de ces processus nécessite, globalement, des outils de deux natures :

Pour des raisons physiques évidentes de positivité des quantités mises en jeu, il appert que les marches aléatoires dans $Z^{n}_{+}$ sont isomorphes à des familles de réseaux comportant n sites. La difficulté majeure provient de l'existence des frontières naturelles.

Méthodes analytiques

 

Participants : G. Fayolle , R. Iasnogorodski , V. Malyshev


Ce thème est fondamental et en perpétuel approfondissement. Lorsque n=2, les sauts étant d'amplitude 1, la détermination de la mesure invariante se ramène à la résolution d'une équation fonctionnelle de la forme



\begin{displaymath}Q(x,y) \pi(x,y) + q(x,y) \pi(x) + \widetilde{q}(x,y)\widetilde{\pi}(y) + \pi_{00}q_0(x,y) = 0.\end{displaymath}

Il s'agit de trouver des fonctions $\pi(x,y), \pi(x),\widetilde{\pi}(y)$, holomorphes dans les régions $\vert x\vert,\vert y\vert<1$ et continues dans $\vert x\vert,\vert y\vert\leq 1$. Ici, $Q,q,\widetilde{q},q_0$ sont des polynômes. En se plaçant sur la courbe algébrique $Q(x,y)=0$ (en général elliptique), deux approches fondamentales ont été développées, conduisant (par factorisation ou uniformisation) à des formes explicites des solutions.

Vers la fin des années 70, ces méthodes ont été reprises avec fruit dans certains laboratoires étrangers (CWI, Université de Newcastle) ou font l'objet d'études immédiates ou à long terme (Bell Laboratories, IBM Yorktown Heights, Universités du Michigan, d'Ottawa, etc.). Le livre [1] écrit par les trois auteurs précités présente une synthèse, esquissée ci-dessous, des principaux résultats.

Toujours en dimension $2$, lorsque les sauts à l'intérieur du quart de plan sont non bornés selon les directions cardinales Est, Nord, Nord-Est, certaines généralisations ont été effectuées par J.W. Cohen (CWI). Par contre, il n'existe actuellement aucune technique de portée générale à partir de la dimension 3.

Le potentiel des méthodes évoquées ci-dessus est loin d'être épuisé, pour ne citer que les études récentes sur la vitesse intrinsèque (i.e. invariante par rapport aux perturbations dans un domaine fini) de convergence des chaînes de Markov dans $Z^{2}_+$ et la description analytique des frontières de Martin.

Classification et théorie constructive des chaînes de Markov dans $Z^{n}_+$

Si les conditions de non explosion ou de non saturation des réseaux ont un intérêt pratique évident, leur caractérisation à l'aide de formules explicites résiste encore souvent à l'analyse, même pour des dimensions faibles (n=2 ou 3). On a vu ci-dessus, qu'il est difficile de disposer de la forme analytique de la mesure invariante, voire très vite impossible, sauf dans des cas bien répertoriés, tel celui des réseaux éponymes (Jackson, BCMP), dits à formes produit car leur mesure invariante est factorisable. Cependant, il existe maintenant une approche très générale pour obtenir les conditions d'ergodicité de marches aléatoires fortement homogènes dans $Z^{n}_{+}$ ou dans des domaines similaires, qui donne une explication structurelle globale de la situation, en ramenant le problème de l'ergodicité d'une marche dans $Z^{n}_{+}$ à plusieurs problèmes en dimension n-1, par construction de semi-martingales et de systèmes dynamiques (paragraphes suivants). Ces travaux fondamentaux ont reçu un cadre, avec la parution de l'ouvrage [4], dans lequel sont consignés des résultats originaux obtenus depuis une vingtaine d'années, sur la classification détaillée en termes d'ergodicité, de récurrence et de transience. Ce champ de recherches très vivant constitue l'un des points d'ancrage du projet.

Techniques de martingales

 

Participants : G. Fayolle , R. Iasnogorodski , V. Malyshev


L'idée est de construire des fonctions de Lyapounov (FL) idoines, via des techniques de semi-martingales, la difficulté principale étant due à la présence de frontières. Cette approche a été décisive pour la résolution de nombreux problèmes (cf. rapports d'activité antérieurs) :

Fonctions de Lyapounov pour les réseaux   En exhibant une FL linéaire par morceaux pour les fameux réseaux de Jackson, on a pu retrouver les équations de conservation de flux liées à l'existence d'un régime stationnaire. Le phénomène intéressant est qu'il est possible d'appliquer cette fonction à des politiques de service ou d'arrivées en groupes, alors que la mesure invariante pour ce système est hors de portée (D. Botvitch et A. Zamyatin à l'Université de Moscou).

Dérives nulles   En dimension 2 et 3, lorsque les sauts moyens sont nuls à l'intérieur du cône positif, on a introduit de nouvelles classes de FL, non linéaires (en particulier de la forme $Q^{\delta}(x,y,z)$, $Q$ étant une forme quadratique ; mais aussi des objets plus complexes faisant intervenir des caractéristiques géométriques). La classification complète des processus peut ainsi être obtenue et il existe des liens directs avec les processus de diffusion.

Stabilité   Récemment, ont été menées une série de recherches sur l'intégrabilité de certaines fonctionnelles des temps d'atteinte $\tau_A$ d'ensembles compacts $A$, pour des chaînes de Markov, en collaboration avec S. Aspandiiarov (Université Paris 5) et M. Menshikov. Les moments $E\tau_A^p$ jouent en effet un rôle important dans les théorèmes limites concernant ces chaînes. En liaison avec la théorie du mouvement brownien réfléchi, on donne notamment la valeur critique $p_0$ maximale, telle que $E\tau_A^p<\infty,\;\forall p < p_0$, lorsque l'espace d'états est $Z^{2}_{+}$. Là encore, les critères donnés reposent sur la construction explicite de semi-martingales et permettent d'étudier le comportement fin de la queue de distribution de $\tau_A$, ainsi que la vitesse de convergence vers le régime stationnaire.

Systèmes dynamiques



Participants : F. Delcoigne , G. Fayolle , Ch. Fricker , J.-M. Lasgouttes , V. Malyshev


Comme il est montré dans [6] et [4], il est toujours possible d'associer à une marche aléatoire fortement homogène dans $Z^{n}_{+}$, un système dynamique linéaire par morceaux, dont le champ de vecteurs associé (vitesses) ne dépende que des faces du domaine considéré. Cette propriété est équivalente à l'approximation d'Euler en physique statistique : on effectue des changements d'échelle identiques en temps et en espace (disons $x/\epsilon$ et $t/\epsilon$) pour se placer dans le contexte de la loi des grands nombres. [Il est utile de remarquer d'emblée que, si certaines vitesses sont nulles, la situation se complique, car elle impose de mélanger la normalisation d'Euler avec celle du théorème central limite (diffusions) et la plupart des problèmes restent alors ouverts]. Ces méthodes, plus profondes que celles dites des approximations fluides, sont utilisées et développées pour la résolution de modèles très divers :

Réseaux à une classe de clients   Il s'agit principalement des systèmes dits à polling (scrutin), où V serveurs partagent leurs puissances entre N stations, et des réseaux de files d'attente classiques avec routage Markovien. Ici, un point fort agréable est qu'on peut souvent donner une caractérisation complète du champ de vecteurs, à l'aide de systèmes d'équations linéaires.

Chaînes aléatoires en interaction   On propose diverses lois de stabilisation pour l'évolution stochastique de chaînes modifiables à leurs extrémités gauche ou droite. Cette représentation à base de chaînes est commode et permet de dégager des liens entre des domaines apparemment disjoints : réseaux multiclasses, marches aléatoires sur des groupes (libres non commutatifs, modulaires, graphes, etc.), théorie des champs quantiques en dimension 3, réseaux de neurones, etc. En collaboration avec des chercheurs du LLRS (Univ. de Moscou), a été amorcée la construction d'une théorie décrivant les interactions de plusieurs chaînes. Elle englobe, en particulier, les réseaux de files à plusieurs classes de clients (de type PAPS - premier arrivé, premier servi - et DAPS - dernier arrivé, premier servi) et généralise le cadre des marches aléatoires homogènes classiques.

Grands systèmes aléatoires



Participants : F. Delcoigne , G. Fayolle , Ch. Fricker , J.-M. Lasgouttes , V. Malyshev


Schématiquement, on peut dire que la résolution de modèles raisonnablement réalistes (ce vocable étant subjectif !) n'est possible que pour les dimensions extrêmes : faible (disons $\leq 3$)ou très grande. Dans ce dernier cas, on parle de systèmes en limite thermodynamique, i.e. dont la taille, représentée par un paramètre N (volume, graphe associé, nombre de noeuds, etc.) augmente indéfiniment. Si il y a clairement une analogie avec les systèmes de particules rencontrés en physique, de nouvelles difficultés surgissent par suite de la non homogénéité des composents (sites). Les questions essentielles sont liées aux phénomènes suivants :

Propagation du chaos   Elle existe dans un réseau si, par définition, tout p-uplet de noeuds se comporte, lorsque $N\rightarrow\infty$, comme un ensemble de p noeuds indépendants : on peut alors obtenir des renseignements quantitatifs sur la dynamique, l'état stationnaire et les vitesses de convergence. Pour les systèmes à fort degré de symétrie, les techniques utilisées sont issues de la mécanique statistique et dites à champ moyen : asymptotiquement, chaque site aura tendance à évoluer comme un processus de saut Markovien non homogène en temps, dont les taux de transition sont déterminés par calcul de la mesure empirique des actions dues aux autres sites, laquelle devient en fait déterministe. Une des difficultés provient de la rencontre d'équations différentielles non linéaires. Nous avons démontré la propagation du chaos pour plusieurs classes de réseaux (BCMP, polling). Quand la dissymétrie est totale, la plupart des problèmes reste encore largement ouverts.

Condensation et transition de phase   Considérons un réseau fermé du type standard BCMP, non symétrique, comportant $M$ clients et $N$ noeuds. On veut trouver des fonctions $M=f(N)$ conduisant, lorsque $N\rightarrow\infty$, à un bon comportement, autrement dit à une bonne utilisation des ressources disponible. Cette problématique a de multiples origines : gestion de parcs de véhicules en libre service, réseaux informatiques, etc. À l'aide de facettes fines du théorème central limite, on montre dans [3] que, pour des conditions initiales indépendantes, il y a propagation du chaos, mais différentes situations peuvent se produire :

On a ainsi très logiquement introduit une classe de fonctions $f(N)$, dites critiques, non nécessairement linéaires, différenciant les zones de stabilité et les zones de saturation. En outre, la vitesse de convergence vers l'état chaotique est d'ordre $O(f^{-1}(N))$.

Réseaux de neurones

 

Participant : V. Malyshev


Si la ressemblance entre les réseaux de neurones et les réseaux de télécommunications n'est pas très connue, il existe cependant quelques études pratiques, montrant des liens dans des cas particuliers. Une vision nouvelle a permis d'établir des parentés mathématiques assez profondes, en partant du modèle de Hopfield (1982), très répandu en mécanique statistique. Malgré des progrès récents concernant l'état stationnaire de ce modèle, sa dynamique restait encore mystérieuse, car beaucoup plus délicate. Le réseau de Hopfield est caractérisé par le nombre de noeuds N, qui peut tendre vers l'infini, et le nombre d'images p.
Lorsque p=1, la dynamique est celle d'une marche aléatoire simple, chaque point étant lié à plus proches voisins et tout est résolu (cf. travaux de Olivieri, Vares, etc.). Pour p arbitraire, la dynamique à température finie est analogue à celle d'une marche aléatoire évoluant dans une union de polyèdres, avec discontinuités aux frontières (comme dans les réseaux de communications). Les propriétés temporelles locales et globales sont abordées en analysant les limites fluides obtenues à l'aide de changements d'échelle appropriés. Il a ainsi été montré, en collaboration avec F. Spieksma (Université de Leiden), que le temps pour atteindre un point fixe, à température zéro, est presque sûrement uniformément borné en p ,lorsque $p\rightarrow\infty$. Pour étudier la région des températures finies, il faudra trouver les répartitions spatiales des minima locaux d'énergie et les distributions correspondantes.

Une autre catégorie importante (traitée en collaboration avec l'Université Paris I, l'IPPI de Moscou et l'Université de Lund en Suède) est celle des réseaux de neurones rencontrés en biologie. Le but est la description des attracteurs pour divers types de connexions (asymétriques, aléatoires, d'inhibition et d'excitation, en dimension $2$ aux températures basses ou très hautes), ainsi que la structure de Gibbs de tous ces attracteurs. Ce sujet est en effervescence et constant progrès.


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