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Résumé : Le ciment existant entre les diverses activités du projet s'est constitué à partir des champs scientifiques suivants : marches aléatoires (méthodes analytiques, classification), réseaux et grands systèmes, réseaux neuronaux et physique statistique. On donne ici un aperçu des domaines d'expertise du projet, mettant en exergue les techniques originales qui y ont été inventées.
Si on choisit l'exemple des systèmes de télécommunications ou de transport, la plupart d'entre eux se laissent modéliser de façon assez réaliste par un ensemble de stations de service, où les serveurs sont les ressources (logiques ou physiques) du système considéré et où les entités circulant entre les stations représentent les requêtes, messages, programmes partageant ces ressources. À un réseau formé de n stations avec plusieurs classes de clients, on pourra souvent associer un processus Markovien vectoriel
décrivant la configuration des clients à la station
au temps
.L'étude de ces processus nécessite,
globalement, des outils de deux natures :
Pour des raisons physiques évidentes de positivité des
quantités mises en jeu, il appert que les marches aléatoires dans
sont isomorphes à des familles de réseaux
comportant n sites. La difficulté majeure provient de l'existence
des frontières naturelles.
Participants : G. Fayolle , R. Iasnogorodski ,
V. Malyshev
Ce thème est fondamental et en perpétuel approfondissement.
Lorsque n=2, les sauts étant d'amplitude 1, la détermination de
la mesure invariante se ramène à la résolution d'une équation
fonctionnelle de la forme
Il s'agit de trouver des fonctions , holomorphes dans les régions
et continues dans
. Ici,
sont des polynômes. En se plaçant sur la courbe
algébrique
(en général elliptique), deux
approches fondamentales ont été développées, conduisant (par
factorisation ou uniformisation) à des formes explicites des
solutions.
Vers la fin des années 70, ces méthodes ont été reprises avec fruit dans certains laboratoires étrangers (CWI, Université de Newcastle) ou font l'objet d'études immédiates ou à long terme (Bell Laboratories, IBM Yorktown Heights, Universités du Michigan, d'Ottawa, etc.). Le livre [1] écrit par les trois auteurs précités présente une synthèse, esquissée ci-dessous, des principaux résultats.
Toujours en dimension , lorsque les sauts à l'intérieur
du quart de plan sont non bornés selon les directions cardinales
Est, Nord, Nord-Est, certaines généralisations ont été effectuées
par J.W. Cohen (CWI). Par contre, il
n'existe actuellement aucune technique de portée générale à
partir de la dimension 3.
Le potentiel des méthodes évoquées ci-dessus est loin d'être
épuisé, pour ne citer que les études récentes sur la vitesse
intrinsèque (i.e. invariante par rapport aux perturbations
dans un domaine fini) de convergence des chaînes de Markov dans
et la description analytique des frontières de
Martin.
Si les conditions de non explosion ou de non saturation des
réseaux ont un intérêt pratique évident, leur caractérisation à
l'aide de formules explicites résiste encore souvent à l'analyse,
même pour des dimensions faibles (n=2 ou 3). On a vu ci-dessus,
qu'il est difficile de disposer de la forme analytique de la
mesure invariante, voire très vite impossible, sauf dans des cas
bien répertoriés, tel celui des réseaux éponymes (Jackson,
BCMP), dits à formes produit car
leur mesure invariante est factorisable. Cependant, il existe
maintenant une approche très générale pour obtenir les conditions
d'ergodicité de marches aléatoires fortement homogènes dans
ou dans des domaines similaires, qui donne une
explication structurelle globale de la situation, en ramenant le
problème de l'ergodicité d'une marche dans
à
plusieurs problèmes en dimension n-1, par construction de
semi-martingales et de systèmes dynamiques (paragraphes
suivants). Ces travaux fondamentaux ont reçu un cadre, avec la
parution de l'ouvrage [4], dans
lequel sont consignés des résultats originaux obtenus depuis une
vingtaine d'années, sur la classification détaillée en termes
d'ergodicité, de récurrence et de transience. Ce champ de
recherches très vivant constitue l'un des points d'ancrage du
projet.
Participants : G. Fayolle , R. Iasnogorodski ,
V. Malyshev
L'idée est de construire des fonctions de Lyapounov (FL)
idoines, via des techniques de semi-martingales, la difficulté
principale étant due à la présence de frontières. Cette approche
a été décisive pour la résolution de nombreux problèmes (cf.
rapports d'activité antérieurs) :
Fonctions de Lyapounov pour les réseaux En exhibant une FL linéaire par morceaux pour les fameux réseaux de Jackson, on a pu retrouver les équations de conservation de flux liées à l'existence d'un régime stationnaire. Le phénomène intéressant est qu'il est possible d'appliquer cette fonction à des politiques de service ou d'arrivées en groupes, alors que la mesure invariante pour ce système est hors de portée (D. Botvitch et A. Zamyatin à l'Université de Moscou).
Dérives nulles En dimension 2 et 3, lorsque
les sauts moyens sont nuls à l'intérieur du cône positif, on a
introduit de nouvelles classes de FL, non linéaires (en
particulier de la forme ,
étant une forme quadratique ; mais aussi des
objets plus complexes faisant intervenir des caractéristiques
géométriques). La classification complète des processus peut
ainsi être obtenue et il existe des liens directs avec les
processus de diffusion.
Stabilité Récemment, ont été menées une
série de recherches sur l'intégrabilité de certaines
fonctionnelles des temps d'atteinte d'ensembles
compacts
, pour des chaînes de Markov, en collaboration
avec S. Aspandiiarov (Université Paris 5) et
M. Menshikov. Les moments
jouent en
effet un rôle important dans les théorèmes limites concernant ces
chaînes. En liaison avec la théorie du mouvement brownien
réfléchi, on donne notamment la valeur critique
maximale, telle que
, lorsque l'espace d'états est
. Là encore, les critères donnés reposent sur la
construction explicite de semi-martingales et permettent
d'étudier le comportement fin de la queue de distribution de
, ainsi que la vitesse de convergence vers le régime
stationnaire.
Participants : F. Delcoigne , G. Fayolle ,
Ch. Fricker , J.-M. Lasgouttes , V. Malyshev
Comme il est montré dans [6]
et [4], il est toujours
possible d'associer à une marche aléatoire fortement homogène
dans , un système dynamique linéaire par morceaux,
dont le champ de vecteurs associé (vitesses) ne dépende que des
faces du domaine considéré. Cette propriété est équivalente à
l'approximation d'Euler en physique statistique : on
effectue des changements d'échelle identiques en temps et en
espace (disons
et
) pour se
placer dans le contexte de la loi des grands nombres. [Il est
utile de remarquer d'emblée que, si certaines vitesses sont
nulles, la situation se complique, car elle impose de mélanger la
normalisation d'Euler avec celle du théorème central limite
(diffusions) et la plupart des problèmes restent alors ouverts].
Ces méthodes, plus profondes que celles dites des
approximations fluides, sont utilisées et développées pour
la résolution de modèles très divers :
Réseaux à une classe de clients Il s'agit principalement des systèmes dits à polling (scrutin), où V serveurs partagent leurs puissances entre N stations, et des réseaux de files d'attente classiques avec routage Markovien. Ici, un point fort agréable est qu'on peut souvent donner une caractérisation complète du champ de vecteurs, à l'aide de systèmes d'équations linéaires.
Chaînes aléatoires en interaction On propose diverses lois de stabilisation pour l'évolution stochastique de chaînes modifiables à leurs extrémités gauche ou droite. Cette représentation à base de chaînes est commode et permet de dégager des liens entre des domaines apparemment disjoints : réseaux multiclasses, marches aléatoires sur des groupes (libres non commutatifs, modulaires, graphes, etc.), théorie des champs quantiques en dimension 3, réseaux de neurones, etc. En collaboration avec des chercheurs du LLRS (Univ. de Moscou), a été amorcée la construction d'une théorie décrivant les interactions de plusieurs chaînes. Elle englobe, en particulier, les réseaux de files à plusieurs classes de clients (de type PAPS - premier arrivé, premier servi - et DAPS - dernier arrivé, premier servi) et généralise le cadre des marches aléatoires homogènes classiques.
Participants : F. Delcoigne , G. Fayolle ,
Ch. Fricker , J.-M. Lasgouttes , V. Malyshev
Schématiquement, on peut dire que la résolution de modèles
raisonnablement réalistes (ce vocable étant subjectif !)
n'est possible que pour les dimensions extrêmes : faible
(disons )ou très grande. Dans ce dernier cas, on
parle de systèmes en limite thermodynamique, i.e. dont la
taille, représentée par un paramètre N (volume, graphe associé,
nombre de noeuds, etc.) augmente indéfiniment. Si il y a
clairement une analogie avec les systèmes de particules
rencontrés en physique, de nouvelles difficultés surgissent par
suite de la non homogénéité des composents (sites). Les questions
essentielles sont liées aux phénomènes suivants :
Propagation du chaos Elle existe dans un
réseau si, par définition, tout p-uplet de noeuds se comporte,
lorsque , comme un ensemble de p noeuds
indépendants : on peut alors obtenir des renseignements
quantitatifs sur la dynamique, l'état stationnaire et les
vitesses de convergence. Pour les systèmes à fort degré de
symétrie, les techniques utilisées sont issues de la mécanique
statistique et dites à champ moyen :
asymptotiquement, chaque site aura tendance à évoluer comme un
processus de saut Markovien non homogène en temps, dont les taux
de transition sont déterminés par calcul de la mesure empirique
des actions dues aux autres sites, laquelle devient en fait
déterministe. Une des difficultés provient de la rencontre
d'équations différentielles non linéaires. Nous avons démontré la
propagation du chaos pour plusieurs classes de réseaux
(BCMP, polling). Quand la
dissymétrie est totale, la plupart des problèmes reste encore
largement ouverts.
Condensation et transition de phase
Considérons un réseau fermé du type standard
BCMP, non symétrique, comportant
clients et
noeuds. On veut trouver des fonctions
conduisant, lorsque
, à
un bon comportement, autrement dit à une bonne utilisation
des ressources disponible. Cette problématique a de multiples
origines : gestion de parcs de véhicules en libre service,
réseaux informatiques, etc. À l'aide de facettes fines du
théorème central limite, on montre dans [3] que, pour des conditions initiales
indépendantes, il y a propagation du chaos, mais différentes
situations peuvent se produire :
On a ainsi très logiquement introduit une classe de fonctions
, dites critiques, non nécessairement linéaires,
différenciant les zones de stabilité et les zones de
saturation. En outre, la vitesse de convergence vers
l'état chaotique est d'ordre
.
Participant : V. Malyshev
Si la ressemblance entre les réseaux de neurones et les réseaux
de télécommunications n'est pas très connue, il existe cependant
quelques études pratiques, montrant des liens dans des cas
particuliers. Une vision nouvelle a permis d'établir des parentés
mathématiques assez profondes, en partant du modèle de Hopfield
(1982), très répandu en mécanique statistique. Malgré des progrès
récents concernant l'état stationnaire de ce modèle, sa dynamique
restait encore mystérieuse, car beaucoup plus délicate. Le réseau
de Hopfield est caractérisé par le nombre de noeuds N, qui peut
tendre vers l'infini, et le nombre d'images p.
Lorsque p=1, la dynamique est celle d'une marche aléatoire
simple, chaque point étant lié à plus proches voisins et tout est
résolu (cf. travaux de Olivieri, Vares, etc.). Pour p arbitraire,
la dynamique à température finie est analogue à celle d'une
marche aléatoire évoluant dans une union de polyèdres, avec
discontinuités aux frontières (comme dans les réseaux de
communications). Les propriétés temporelles locales et globales
sont abordées en analysant les limites fluides obtenues à l'aide
de changements d'échelle appropriés. Il a ainsi été montré, en
collaboration avec F. Spieksma (Université de Leiden), que
le temps pour atteindre un point fixe, à température zéro, est
presque sûrement uniformément borné en p ,lorsque . Pour étudier la région des températures finies,
il faudra trouver les répartitions spatiales des minima locaux
d'énergie et les distributions correspondantes.
Une autre catégorie importante (traitée en collaboration avec
l'Université Paris I, l'IPPI de
Moscou et l'Université de Lund en Suède) est celle des réseaux de
neurones rencontrés en biologie. Le but est la description des
attracteurs pour divers types de connexions (asymétriques,
aléatoires, d'inhibition et d'excitation, en dimension aux
températures basses ou très hautes), ainsi que la structure de
Gibbs de tous ces attracteurs. Ce sujet est en effervescence et
constant progrès.