Projet Fractales

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Fondements scientifiques

Régularité ponctuelle

 

Participants : Bertrand Guiheneuf , Jacques Lévy Véhel


Mots-clés : analyse 2-microlocale, exposant de Hölder, régularité ponctuelle


Résumé : Dans certaines situations, des informations essentielles sont contenues dans la régularité ponctuelle d'une fonction et dans la manière dont celle-ci varie. Cette notion peut être formalisée de diverses façons: nous étudions plus particulièrement les exposants de Hölder et les exposants 2-microlocaux.


Il existe de multiples façons de réaliser une analyse fractale d'un signal. Notre équipe s'intéresse à deux d'entre elles, le calcul de la régularité ponctuelle et l'analyse multifractale.

Dans le premier cas, on associe à un signal $f(t)$ un autre signal $\alpha(t)$, la fonction de Hölder de $f$, qui mesure la régularité de $f$ en chaque point $t$. Cette dernière peut être évaluée de diverses manières. L'exposant ponctuel $\alpha$ de $f$ en $x_0$, par exemple, est défini par:

\begin{displaymath}\alpha(x_0) = \lim_{\rho \rightarrow 0} \sup \left\{\alpha\... ...rt<c\vert x-x_0\vert^\alpha, \right \vert x - x_0\vert< \rho\}\end{displaymath}

(cette définition est valable si $f$ est non dérivable, sinon il faut retrancher un polynôme au lieu de $f(x_0)$).

On peut aussi définir un exposant local $\alpha_l(x_0)$ par:

\begin{displaymath}\alpha_l(x_0) = \lim_{\rho \rightarrow 0} \sup \left\{\alph... ...pha, \vert x-x_0\vert < \rho, \vert y-x_0\vert < \rho \right\}\end{displaymath}

$\alpha$ et $\alpha_l$ ne coïncident pas en général (si $f(x) =\vert x\vert^\alpha \sin \frac{1}{\vert x\vert^\beta}$, $\alpha(0) = \alpha$ et $\alpha_l(0) = \frac{\alpha}{1 + \beta}$) et ont des propriétés très différentes. Par exemple, $\alpha_l$ est stable par différentiation ($\alpha_l(f', x_0) = \alpha_l(f, x_0) - 1$) alors que $\alpha$ ne l'est pas.

En général, plus $\alpha(t)$ est petit, plus la fonction $f$ est irrégulière en $t$. Un exposant négatif est le signe d'une discontinuité, alors que si $\alpha(t)$ est strictement supérieur à 1, $f$ est au moins une fois dérivable en $t$. La caractérisation des signaux par leur régularité Höldérienne a été considérée par de nombreux auteurs d'un point théorique (par exemple en relation avec la décomposition en ondelettes) et dans les applications en traitement du signal (analyse de la turbulence, segmentation d'image). Une telle approche est intéressante dès que l'information pertinente réside dans les irrégularités du signal plus que, par exemple, dans son amplitude ou dans sa transformée de Fourier. C'est en particulier le cas quand on cherche à détecter des contours dans une image ou à caractériser les parties non voisées d'un signal de parole. Les questions qui se posent naturellement dans ce contexte sont la caractérisation des fonctions de Hölder ponctuelles, la comparaison des différentes mesures d'irrégularité, et leur estimation sur des signaux réels.

Analyse multifractale



Participants : Christophe Canus , Jacques Lévy Véhel , Rolf Riedi , Claude Tricot


Mots-clés : analyse multifractale, spectre de grandes déviations, spectre de Hausdorff


Résumé : L'analyse multifractale fournit une description à la fois locale et globale des singularités d'un signal: la première est obtenue via l'exposant de Hölder, et la seconde grâce aux spectres multifractals. Ceux-ci caractérisent de façon géométrique et statistique la répartition des singularités sur le support du signal.


Il arrive que la fonction de Hölder soit très simple alors que le signal est irrégulier. C'est le cas par exemple pour la fonction de Weierstrass, ou pour le mouvement Brownien fractionnaire, qui sont nulle part dérivables, mais dont la fonction de Hölder est constante. Il existe cependant des signaux, d'apparence très irrégulière, pour lesquels la fonction de Hölder est encore plus irrégulière, par exemple des signaux continus $f$tels que $\alpha_f$ est partout discontinue. L'exemple canonique est le graphe d'un IFS. Dans ces situations, il est plus intéressant d'avoir recours à une autre description du signal, le spectre multifractal: au lieu de donner pour chaque $t$, la valeur de l'exposant de Hölder, on regroupe tous les points de même exposant $\alpha$ dans un sous-ensemble $E_\alpha$, et on caractérise l'irrégularité de façon globale en calculant, pour chaque valeur de $\alpha$, la dimension de Hausdorff de l'ensemble $E_\alpha$. On évalue ainsi, de façon géométrique, la ``taille'' des parties du domaine de $f$ où une singularité donnée apparaît.

Une autre possibilité est de donner une caractérisation statistique de la répartition des singularités: plus précisément, le spectre de grande déviation $f_g(\alpha)$ estime la vitesse exponentielle de décroissance de la probabilité de rencontrer une singularité à peu près égale à $\alpha$ à la résolution $n$ quand $n$ tend vers l'infini.

Ce type d'analyse, d'abord apparu dans le contexte de la turbulence, s'est ensuite beaucoup développé à la fois au plan théorique (analyse de mesures ou fonctions auto-similaires dans un cadre déterministe et aléatoire, extensions aux capacités, spectres d'ordres supérieurs) et dans les applications (étude des séquences DLA, analyse de la distribution des tremblements de terre, traitement du signal, segmentation et débruitage d'images et analyse du trafic routier).

Les travaux en analyse multifractale s'attachent aux calculs théoriques des spectres, à leur comparaison (formalisme multifractal), et à l'obtention d'estimateurs robustes.

Processus fractals



Participants : Paulo Gonçalvès , Jacques Lévy Véhel , Rolf Riedi


Mots-clés : mouvement Brownien fractionnaire, processus $\alpha$-stables


Résumé : Les processus à mémoire longue (c'est-à-dire dont la fonction d'autocorrélation décroît lentement) et ceux dont la variance est infinie possèdent des propriétés intéressantes, parfois contre intuitives. Nous étudions certains de ces processus, comme le mouvement Brownien fractionnaire ou les processus $\alpha$-stables, qui présentent des caractéristiques fractales.


Nous étudions des processus tels que le mouvement Brownien fractionnaire (mBf) ou les processus $\alpha$-stables, qui ont des caractéristiques fractales comme l'auto-affinité ($x(at)\stackrel{d}{=} {a}^H x(t)$, où $\stackrel{d}{=}$ signifie l'égalité en distribution), l'irrégularité des trajectoires, ou la mémoire à long terme (décroissance lente de la fonction d'autocorrélation $E(x(t) x(t+\tau)) \sim \vert\tau\vert^\beta$ quand $\tau \rightarrow \infty$,$\beta \gt 0$). Ces processus s'éloignent des modèles ``classiques'' de deux façons:

Dans ces deux cas, la plupart des outils classiques (théorème central limite, convergence d'estimateurs) ne s'appliquent plus sous leur forme usuelle, et il faut leur substituer des généralisations. Nos recherches s'attachent à décrire certaines propriétés fractales et multifractales de ces processus et à en chercher des extensions qui les rendent plus adaptées à certaines applications. A titre d'exemple, le mBf possède une régularité ponctuelle presque sûre identique en chaque point. Cette caractéristique en restreint l'utilisation pratique et nous avons défini une généralisation, appelée mouvement Brownien multifractionnaire, qui permet un contrôle en chaque point de l'exposant de Hölder.

Analyse Temps-Fréquence



Participant : Paulo Gonçalvès


Mots-clés : Gabor, ondelettes, temps-échelle, temps-fréquence


Résumé : Les représentations temps-fréquence et temps-échelle sont des extensions de l'analyse de Fourier classique aux signaux non stationnaires. On parle alors d'analyse spectrale dépendante du temps pour laquelle le concept de partition musicale est un paradigme communément cité.


L'analyse temps-fréquence repose sur la combinaison des deux variables temps et fréquence dans une même représentation, fournissant ainsi une signature de l'évolution temporelle du contenu spectral. Différentes approches existent: la plus intuitive consiste à limiter temporellement et fréquentiellement les éléments de la famille d'analyse, puis à déplacer en tous points du plan temps-fréquence[*] les atomes d'analyse ainsi définis, avant d'évaluer le produit scalaire avec le signal analysé:

\begin{displaymath}\Gamma_x(t,f\,;\,g)~=~\langle x , g_{t,f} \rangle\hspace{3m... ...ox{avec}\hspace{3mm}g_{t,f}(u)~=~{\cal A}_t{\cal B}_f\,g_0(u).\end{displaymath}

${\cal A}$et ${\cal B}$ sont des opérateurs de déplacement en temps et en fréquence respectivement et $g_0$ est la fonction d'analyse ``mère'' offrant de bonnes propriétés de localisation conjointe en temps et en fréquence.
Ainsi, la transformée de Fourier à court terme (ou décomposition atomique de Gabor) correspond aux opérateurs de translation en temps et de translation en fréquence. Pour leur part, les décompositions en ondelettes reposent sur le choix des opérateurs de translation en temps et de changement d'échelle (compression/dilatation).
Les densités d'énergie obtenues en considérant le module carré des coefficients $\Gamma_x(t,f\,; g)$ appartiennent à une classe de représentations temps-fréquence plus riche, celle des distributions bilinéaires d'énergie. Ces distributions sont définies par un opérateur intégral agissant sur une forme quadratique du signal selon:
\begin{displaymath}\rho_x(t,f\,;\,K)~=~ \int\int x(u)\,x^*(v)\,K(u,v\,;t,f)\,du\,dv.\end{displaymath}

Il est possible de restreindre la classe des solutions en imposant des propriétés de covariance sur les distributions $\rho$relativement aux opérateurs de déplacement temps-fréquence ${\cal A}_t$ et ${\cal B}_f$. En particulier, les deux choix d'opérateurs retenus pour les décompositions linéaires de Gabor et en ondelettes conduisent respectivement aux classes de Cohen et affines.

La distribution de Wigner-Ville: $W_x(t,f)~=~\intx\left(t+\frac{\tau}{2}\right)\,x^*\left(t-\frac{\tau}{2}\right)\,{e}^{-i2\pi f \tau}\,d\tau,$ est un cas particulier à partir duquel, classe de Cohen et classe affine peuvent être définies paramétriquement via l'introduction de noyaux arbitraires. Les propriétés que l'on souhaite imposer aux distributions peuvent alors se traduire sous forme de contraintes structurelles sur les noyaux de paramétrisation correspondants. En particulier, les distributions de Wigner affine

\begin{displaymath}P^{(k)}_x(t,f)~=~\vert f\vert\int \mu_k(u)\,X(f\,\lambda_k(u... ...-.15em}{\sf R} \else ${\sf I}\hspace{-.15em}{\sf R}$\space \fi\end{displaymath}

avec $\lambda_k(u)=(k^{-1}(e^{-u}-1)/(e^{-ku}-1))^{1/(k-1)}$,satisfont à la localisation sur des trajectoires de type loi de puissance dans le plan temps-fréquence . Ainsi, pour la classe des signaux

$\{X(f)=Cf^{-1/2}\,\exp\{i\Phi_x(f)\}\,:\,t_x(f)=-1/2\pid\Phi_x(f)/df=t_0+c\,f^{k-1}\}$, on a $P^{(k)}_x(t,f)=C^2f^{-1}\delta(t-t_x(f))$.

L'intérêt des ondelettes pour la caractérisation de propriétés fractales des signaux est à présent largement formalisé et mis en pratique [6,1]. En revanche, les distributions bilinéaires, bien qu'offrant un panorama plus large de propriétés théoriques, restent encore peu utilisées, du fait de leur plus grande complexité et de l'absence d'algorithmes efficaces pour leur mise en oeuvre [17].

Algorithmes génétiques



Participants : Jacques Lévy Véhel , Evelyne Lutton , Benoît Leblanc , Frédéric Raynal


Mots-clés : algorithmes évolutifs, algorithme génétique, analyse de déceptivité, optimisation stochastique, problèmes inverses, théorie des schémas


Résumé : Dans le cadre de l'analyse de signaux fondés sur des méthodes issues de la géométrie fractale, on est souvent amené à optimiser des fonctions (ou énergies) qui dépendent d'un grand nombre de paramètres, et qui sont extrêmement irrégulières. Les algorithmes génétiques se sont révélé être des outils efficaces, permettant d'obtenir des solutions robustes, difficiles à obtenir à l'aide d'autres techniques. Une partie des travaux effectués dans le projet a en outre eu pour but de montrer l'intérêt d'employer des outils ``fractals'' pour affiner et compléter certaines analyses théoriques sur les algorithmes génétiques.


Les Algorithmes Génétiques (AG) et plus généralement les Algorithmes Evolutifs (AE) sont actuellement connus comme des méthodes d'optimisation stochastiques efficaces pour des problèmes très complexes et sont employées dans des domaines d'applications extrêmement variés. Toutes ces techniques s'inspirent des comportements biologiques des populations naturelles, et sont fondées sur l'évolution d'une ``population'' de solutions au problème traité, l'évolution étant guidée par une fonctions de ``fitness'' qui est maximisée au cours du processus. Les analyses théoriques dans le domaine des AG et des AE sont principalement orientées vers l'analyse de la convergence, l'influence des paramètres et l'analyse de la ``facilité'' ou de la ``difficulté'' des fonctions. Pour les AG, plus particulièrement, on peut distinguer plusieurs approches: la modélisation de populations successives de solutions sous forme d'une chaîne de Markov [DP91,Cer95], l'analyse de déceptivité fondée sur la théorie des Schémas [Gol89], enfin, très récemment, la modélisation sous forme de système dynamique, où on a pu montrer le comportement de type ``fractal'' de certains AG (et générer les ensembles de type Julia correspondants) [JV94].

D'un point de vue théorique, certains outils qui ont été développés dans le cadre de la géométrie fractale peuvent être employés pour affiner une analyse de déceptivité des AG. En effet, l'analyse de la façon dont un AG optimise certaines fonctions ``fractales'' (plus précisément des fonctions Höldériennes) permet de modéliser l'influence de certains des paramètres d'un AG. Cette analyse peut être ensuite étendue à des fonctions plus générales et donne des indications sur la façon de modifier les paramètres afin d'améliorer les performances de l'AG. Une analyse plus poussée sur la même base théorique fournit aussi une méthode relativement robuste d'évaluation de l'efficacité d'un codage des solutions dans un AG.



Notes:

...temps-fréquence
On peut également définir des décompositions atomiques discrètes reposant sur un maillage discret du plan temps-fréquence.



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