Participant : Paul-André Melliès
Mots clefs : réécriture
P.-A. Melliès achève sa thèse sur la ``Description Abstraite des Systèmes de Réécriture''. Il y propose un traitement abstrait des principaux résultats de la réécriture : confluence (via le lemme des développements finis), standardisation, normalisation des stratégies par appel par nom et par appel par nécessité, normalisation forte des systèmes de réécriture simplement typés. Ces résultats offrent des visions conceptuellement très variées de la réécriture à partir de diagrammes locaux sur les radicaux (étape de réduction), les résidus (copies mutuelles de ces étapes) et les relations d'emboîtement entre radicaux d'un même terme. Par exemple, le lemme des développements finis est prouvé grâce à une description raffinée des mécanismes de substitution dans les systèmes d'ordre supérieur, alors que le théorème de standardisation est déduit de quatre axiomes qui forment la contre-partie syntaxique de la notion sémantique de stabilité de Berry. Cette approche abstraite a trois avantages : elle dérive les théorèmes importants de propriétés simples et détermine certains principes ; elle évite au développeur de refaire des preuves contraignantes à chaque nouveau formalisme ; elle permet d'étudier des domaines encore très mal compris et pourtant essentiels parce qu'ils fondent le calcul concurrent : les systèmes avec paires critiques.
Le -calcul avec
substitutions explicites est un exemple important de calcul avec
paires critiques. Ce calcul a l'ambition de décrire à la fois
plusieurs méthodes de
-évaluation : il autorise des manières
intrinsèquement différentes de calculer un même
-terme. On peut formaliser cette
variété grâce à l'équivalence par permutations de radicaux,
introduite par J.-J. Lévy. Son résultat portait sur le
-calcul, calcul sans
paire critique et pour cette raison fortement
déterministe : il n'existe à permutation près qu'un seul calcul
d'un
-terme à son
résultat. En comparaison, un
-terme pourra être réduit jusqu'à ce résultat selon
plusieurs classes de permutations dans le
calcul avec substitutions explicites. Le résultat d'unicité du
-calcul associé à la
standardisation permet de prouver --- ce qu'ont montré Huet et
Lévy --- la normalisation des stratégies par appel par nom et par
appel par nécessité dans le
-calcul. Adapter le résultat de terminaison sur un
système qui contient des paires critiques et qui est non
déterministe peut sembler utopique. L'exemple du
-calcul --- le calcul souche des
-calculs avec
substitutions explicites --- contient cependant par sa proximité
sémantique avec le
-calcul les indications sur le moyen de procéder.
P.-A. Melliès a introduit la notion de ``non-déterminisme borné''
pour délimiter parmi les systèmes non déterministes ceux dans
lesquels on peut espérer calculer. Dans un système non
déterministe borné, il existe à partir de tout terme normalisable
un ensemble fini et cofinal (à permutations près) de
dérivations normalisantes. Par exemple, les systèmes
déterministes (sans paires critiques) sont ``non déterministes
bornés'' parce que le singleton
formé par dérivation normalisante est aussitôt
cofinal (à permutation près). Le résultat de terminaison est
alors généralisé aux systèmes non déterministes bornés : les
stratégies par appel par nom et par appel par nécessité y
terminent. La dernière étape sera de prouver que le
-calcul est ``non déterministe
borné'', ce qui établit ce résultat spectaculaire : il n'existe
qu'un nombre fini de classes de permutations d'un
-terme à son résultat.
Toutes les stratégies par appel par nom et par appel par
nécessité sont normalisantes, ce qui constitue un résultat
important après la construction l'année dernière d'un
contre-exemple à la normalisation forte du
-calcul typé.
Ce théorème sur les substitutions explicites passe par l'introduction d'un espace élégant de ``dérivations externes''. Cet espace devrait constituer un outil indispensable dans l'étude dynamique des systèmes non déterministes. C'est à travers lui qu'il faudra résoudre cette question : existe-t-il un critère sur la forme des paires critiques qui certifie que le non déterminisme qu'elles engendrent est borné ? D'où l'espoir inattendu d'obtenir un nouveau théorème de Knuth-Bendix qui, en portant sur le non déterminisme borné au lieu de porter sur la confluence, statuerait non plus sur l'unicité d'un résultat mais sur notre capacité à calculer dans le système. Un tel résultat semble cependant encore loin, mais la question est posée.
P.-A. Melliès a aussi obtenu cette année le résultat de
normalisation forte qu'il cherchait depuis longtemps dans les
systèmes abstraits avec étiquetage décroissant. Il généralise
ainsi le résultat de J.-W. Klop et démontre le premier résultat
général de terminaison forte dans les systèmes non déterministes.
Il introduit pour cela un critère plus sévère que la décroissance
de l'étiquetage lors de la création de radical. Il utilise une
notion simple et nouvelle de ``contexte -clos''. Ces contextes ont un comportement
dynamique proche de celui des radicaux, mais donnent une
information supplémentaire sur la position des radicaux. P.-A.
Melliès montre en effet que le critère habituel est trop faible.
Il construit pour cela un contre-exemple au résultat de J.-W.
Klop dont il était parti. Après cette correction, il démontre son
résultat de normalisation dans son cadre abstrait. La preuve
utilise un argument de plus petit contre-exemple similaire (dans
le principe) aux preuves du théorème de Kruskal. La méthode est
originale et donne dans le cas du
-calcul simplement typé une preuve simple. Les
principes d'analyse dynamique d'un
-terme qu'avance cette preuve et la notion de
contexte
-clos qu'elle
introduit semblent être les étapes nécessaires vers une
compréhension combinatoire des familles de radicaux définies par
J.-J. Lévy, et --- de manière plus lointaine --- de la
normalisation forte des
-calculs polymorphes.
P.-A. Melliès part pour 2 ou 4 ans en tant que chercheur post-doctorant à l'université d'Edimbourg dans le groupe de S. Abramsky.